Le marché publicitaire marocain a initié un mouvement de mobilisation générale en réponse aux dispositions de la nouvelle Loi de Finances 2018 relatives aux droits de timbre sur les annonces publicitaires sur écran. La nouvelle Loi de Finances est en effet venue modifier et compléter le dispositif actuel du Code Général des Impôts de manière à élargir la notion d’annonces publicitaires sur écran à l’ensemble des annonces diffusées sur tous types d’écrans numériques. L’occasion pour nous de revenir sur cet épisode avec Maria Aït M’hamed, Présidente de l’Union des Agences Conseil en Communication (UACC) et sur la mobilisation en cours. Entretien.
Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est la taxe d’écran ?
Le texte de loi promulgué le 24 décembre 1958 a institué le paiement par les annonceurs, à travers leurs agences de communication en leur qualité de mandataire, de droits de timbre sur les annonces publicitaires sur écran (télévision et cinéma), communément baptisés «taxe d’écran».
Depuis, cette taxe a fait l’objet de plusieurs réformes, notamment celle relative à la loi des finances de 1998, qui a entériné sa suppression en deux étapes, de 50% chacune. Initialement de 10%, la taxe d’écran a été ramenée à 5%.
L’avènement de l’alternance, la même année, et le renouvellement des équipes qui l’a suivie ont éclipsé le sujet de sorte qu’à ce jour, seule la première tranche de 50% a été annulée.
La nouvelle Loi de Finances est en effet venue modifier et compléter les articles 251-b, 254 et 183-B du Code Général des Impôts de manière à élargir la notion d’annonces publicitaires sur écran à l’ensemble des annonces diffusées sur tous types d’écrans numériques. Ainsi, les publicités diffusées sur les écrans publicitaires LED, les écrans d’ordinateurs, de téléphones, tablettes, etc. sont désormais concernées par cette taxe.
Les principaux intéressés étaient-ils au courant de l’application de la taxe d’écran ?
Alors que nous militions pour la suppression de cette taxe qui s’appliquait à la publicité sur la télévision et le cinéma, tous les acteurs du marché ont été surpris de voir son champ d’application élargi avec les dispositions de la nouvelle Loi de Finances.
Cette mesure a été prise sans consultation préalable, sans concertation, et sans efforts de communication.
Comment cette taxe pourrait-elle nuire au secteur de la publicité ?
C’est une taxe infondée et inéquitable, qui touche le secteur de la publicité audiovisuelle et digitale, et qui vient prélever les ressources d’un secteur vital pour l’économie du pays.
1 dirham dépensé en publicité génère en moyenne 15 Dh pour l’économie. Toute démarche visant à développer le marché publicitaire impactera donc positivement l’ensemble de l’économie du pays, selon un schéma vertueux.
A l’inverse, toute taxation additionnelle génèrera une chaîne d’effets négatifs et entravera notamment les efforts de développement de l’économie numérique, antinomique avec la stratégie Maroc Digital 2020.
Nous déplorons également l’impact négatif de cette taxe sur le développement de la presse, qui entame à peine sa transition numérique. La transformation digitale de la presse au Maroc est complexe, en l’absence d’un modèle économique pérenne, et sera impactée de plein fouet par cette nouvelle taxe. C’est l’avenir de la presse, une presse que l’on souhaite professionnelle, diversifiée et indépendante, qui est en jeu.
Quel est le retour du secteur et sa position par rapport à cette taxe ?
Le secteur appelle à sa suppression pure et simple, pour les raisons évoquées précédemment.
Comment comptez-vous vous prendre pour demander la suppression de la taxe d’écran ?
Les arguments qui avaient contribué à convaincre le législateur de la nécessité de supprimer la taxe d’écran en 1998 sont toujours d’actualité, et s’inscrivent dans deux logiques principales. Le premier argument s’inscrit dans une logique fiscale et comptable : cette taxe est contraire au principe de l’égalité de tous devant l’impôt. En effet, elle touche uniquement le secteur de la publicité audiovisuelle. L’affichage, la presse écrite ou la radio par exemple, sont épargnés ; les sommes en jeu sont modiques, une cinquantaine de millions de dirhams ; enfin cette taxe complique singulièrement la comptabilité des agences de communication, et pose des problèmes de trésorerie préjudiciables à leur activité.
Le second argument s’inscrit quant à lui dans une logique économique. Historiquement, les recettes liées à cette taxe devaient être versées au Fonds de Promotion de l’Audiovisuel pour stimuler la production nationale. Depuis la suppression de la première tranche de cette taxe, deux nouvelles dispositions sont venues capter les ressources du secteur et ont permis de dynamiser le secteur audiovisuel et de contribuer à son développement :
- Un nouvel impôt, la Taxe pour la Promotion du Paysage Audiovisuel National (TPPAN) qui contribue bien plus efficacement aux recettes de l’état que ne le fait la taxe d’écran (500 millions de dirhams au lieu de 50) ; et la création du Fond pour la Promotion du Paysage Audiovisuel, à peu près au même moment, dont la mission était de dynamiser la production cinématographique et le paysage audiovisuel.
- Un nouveau prélèvement sur les ressources du secteur publicitaire puisque le secteur finance depuis 2008, sur ses fonds propres et dans le cadre de Groupements d’Intérêt Economique, le CIAUMED et le CIRAD, les systèmes de mesure d’audience de la télévision et de la radio au Maroc.