La publicité aura été particulièrement fragilisée par les évènements actuels et elle va devoir surfer sur les crises qui vont déferler. Crise sanitaire bien sûr, crise économique dans la foulée, crise sociale tout de suite derrière et crise d’imaginaire dès maintenant car quelle peut être la place de la publicité dans un monde saturé d’informations, de fake news, de sensationnalisme ?
Le règne de la démonstration maligne, de l’humour-roi, de la qualité léchée du spot ou du pack-shot vont trouver leurs limites avec le cynisme, l’incrédulité et l’agacement généralisés des audiences. Les consommateurs ne seront plus dupes. Ils veulent et voudront toujours plus être des consom’acteurs de leur vie. Les publicitaires vont devoir se réinventer car les consommateurs deviennent des citoyens-consommateurs. Ça change beaucoup de choses.
Trois territoires s’annoncent essentiels pour que la publicité du futur joue un rôle économique et culturel conséquent. Trois territoires incompatibles entre eux. Les directions générales et les directions marketing devront choisir et ces choix seront des enjeux forts pour leur avenir. De toutes façons pour survivre la publicité devra être audacieuse.
01. Divertir le consommateur jouisseur
Cela a été le territoire essentiel de la publicité et cette dimension va continuer de s’imposer avec une exigence de plus en plus forte d’intensité. Divertir voudra dire faire sentir et ressentir, toucher, humer, en prendre plein les yeux. Les marques devront proposer des espaces de sensorialité, de ressenti, d’émotions puissantes.
Elles devront inventer sans cesse des spectacles, des fictions, renouvelant les sensations les plus fortes en quête d’un feu d’artifice permanent. Un peu comme dans les films de science-fiction à gros budgets : il leur faudra suspendre l’incrédulité des spectateurs, c’est-à-dire inventer des mondes impossibles, incroyables mais tellement formidables et jouissifs qu’on en redemandera encore.
Mais le registre du divertissement, voie plus facile, moins engageante, risque d’être saturé. C’est un boulevard publicitaire qui permet peu de différenciation sauf à avoir une plus forte part de voix.
02. Avertir le citoyen consommateur
A côté de cette frénésie il faut s’attendre à l’émergence d’un courant radicalement différent, adossé à la volonté des marques de jouer un rôle sociétal responsable. Ce territoire sera celui de l’interactivité sincère et transparente avec le citoyen consommateur.
La publicité aura pour rôle d’annoncer un programme citoyen et de définir le rôle socio-politique de la marque. Celles qui auront choisi cette voie seront les interlocuteurs permanents de leurs consommateurs qui seront invités à des jury citoyens régulièrement convoqués.
Avec la RSE et les prises de conscience citoyenne le registre de l’avertissement a un grand avenir. La pub jouera sur l’éthique et revendiquera un rôle moral. Ce territoire est en voie d’apparition avec valorisation du produit/service qui passe avant la marque au profit d’un « vivre ensemble » meilleur.
03. Découvrir l’essence du produit
On en oublierait que la publicité a pour but de présenter et éventuellement de faire vendre un produit. Mais on ne pourra plus vendre comme avant : la publicité devra faire découvrir ou redécouvrir l’essence même de ce qu’elle cherche à promouvoir, la nature profonde du produit, son mythe fondateur pour que consommer ait un sens, pour que le produit proposé ait une légitimité sociétale, économique et culturelle.
Et pour cela elle devra faire comprendre que le produit proposé est un acteur sociétal à part entière. La pub jouera sur la symbolique des objets et expliquera avec subtilité le sens des objets. Elle devra sans cesse éveiller la curiosité des consommateurs.
Pour aller plus loin :
En savoir plus sur Christian Gatard :
Christian Gatard est auteur de « Bureau d’étude, récit de société », Éditions des Impressions Nouvelles 2005, « Nos 20 prochaines années », Éditions de l’Archipel, 2009, Dictionnaire de la mort (livre collectif) Hachette 2010, « Social media marketing » (livre collectif), 2012, « Mythologies du futur », Éditions de l’Archipel, 2014, « Ruptures, Disruptures », Éditions Kawa, 2015, « Chroniques de l’intimité connectée », (livre collectif), Éditions Kawa, 2016, « Essai de mythanalyse », (livre collectif) Thrinakia edizione 2 Catania, 2016, « En quête de mythanalyse », (livre collectif) Osservatorio Processi Comunicativi, 2017.
Directeur de la collection de prospective « Géographie du futur » éditions de l’Archipel, il est également auteur de romans de type réalisme magique – synthèse entre la science, la magie et les thèmes classiques qui traversent la science-fiction: « L’île du Serpent Coq » (1999), « De conchita Watson le ciel était sans nouvelle » (2000), « En respectant le chemin des dragons » (2001) chez l’Harmattan.