Laisser ou ne pas laisser le temps au temps ?
Quand vous vous adressez à quelqu’un avec un discours réformateur ou une rhétorique de changement, et il le rejette sans consensus, quelle est votre réaction ? Est ce que vous persévérez ou vous laissez tomber ? La réponse est clairement dépendante de votre conviction ainsi que de la force de vos arguments, mais surtout conditionnée par l’intensité des enjeux en terme d’intérêts communs ou conflictuels. Ceci dit, le temps consacré à argumenter pour convaincre votre interlocuteur doit être décisif pour vous afin de décider de persévérer ou non dans votre démarche de persuasion.
Contrairement à ce que nous pourrions imaginer, la composante temps est la pièce maitresse de ce type de situation. La raison ne réside pas uniquement dans le manque à gagner ou les opportunités que vous risqueriez de perdre alors que vous passez votre temps à convaincre, mais aussi, et surtout, qu’avec le temps tout risque de changer spontanément sans injonction de votre part. Ceci n’est pas antinomique avec votre pro-activité qui dessine votre vraie empreinte dans la vie (je vous invite à lire également cet autre article à ce sujet). La proactivité doit être couplée avec la sagesse et la planification cadencée, et non avec la précipitation coûte que coûte. Ceci s’applique aux situations de négociation et de persuasion, mais aussi à d’autres contextes de prise de décision ou de conduite de changement.
L’expression « laisser le temps au temps » n’est ni un échappatoire de la prise de décision ni un manque de leadership ou d’esprit d’initiative. Laisser le temps au temps est un moyen de gagner en maturité face à la complexité de certaines situations que la rigueur d’un processus de gestion de conflit ou de la rhétorique n’arrive pas à résoudre systématiquement. S’engager dans ces démarches à chaud de part et d’autre n’est que biaiser la démarche de résolution. Il faudrait reconnaître que la notion du temps n’a pas la même valeur selon les cultures. En orient et au moyen orient, la notion du temps a effectivement plus de valeur en terme de maturité et de sagesse alors qu’en occident, elle est plus significative d’anticipation et même d’efficacité. Tout l’art de votre influence réside dans la pertinence de votre démarche entre anticipation et maturité. La proactivité, dans ce cas, doit être orientée vers la sagesse alors que l’anticipation doit éviter la précipitation.
Dans un contexte interculturel, il est clair que les stratégies et les outils de prise de décision et de gestion des résistances du changement diffèrent selon les cultures (pays / organisation / interlocuteur). En tout cas, Il est clair que laisser le temps au temps, ne signifie pas une absence de planification, mais plus une vision de recul par rapport au fait qu’il faudrait du temps pour vaincre les résistances, et surtout une acceptation que les paradigmes, les conditionnements et les opinions révèlent souvent des ancrages très profonds que la simple rigueur ou argumentation n’arrive pas à surmonter.