Prospective : Quels métiers pour demain ?
Transformation numérique, révolution digitale… tout le monde en parle, mais qu’en est-il réellement ? Que se cache-t-il derrière ses concepts à la mode ? Notamment en termes d’évolution de métiers et de carrières ? Quels seront les métiers de demain ? Le Groupe Adecco, un des leaders mondiaux des solutions en ressources humaines, a tenté d’y répondre à travers un excellent livre blanc, publié en septembre dernier. Intitulé « Digitalisation & robotisation : réinventer les métiers ? », il tente de répondre à ces 4 grandes questions : (i) Transition numérique : quelles évolutions pour les métiers ? (ii) Les robots vont-ils vraiment remplacer les humains ? (iii) Quelles sont les fonctions clés de la digitalisation ? (iv) Comment les révolutions digitales créent de nouveaux métiers ?
Il faut savoir que le chiffre d’affaires des entreprises numériquement matures est six fois plus élevé que les autres ! Or, la digitalisation concerne tous les métiers et tous les secteurs d’activité. Et le livre blanc du Groupe Adecco fait justement le point sur les ruptures technologiques, les impacts sur l’emploi et les nouveaux métiers de demain. En effet, il y a de cela plusieurs années déjà, musique, presse et marketing ouvraient la voie de la transformation de l’économie par le digital sans toujours en comprendre les risques et les opportunités. Au-delà de la transformation économique de ces secteurs, c’est surtout l’évolution radicale des métiers y afférents qui a marqué cette période.
Par exemple, lorsque les premières expériences de presse en ligne fleurissent au début des années quatre-vingt-dix aux États-Unis avec la création des premiers sites web, le secteur comprend immédiatement que les métiers changent et de nouveaux profils apparaissent. On les nomme alors webdesigner, webmestre, blogmaster et le métier de journaliste commence ainsi à évoluer pour s’adapter à ces nouveaux supports. La dynamique s’accélère avec la création des fonctions de chef d’édition web, datajournalist ou encore factchecker, le fameux vérificateur de faits, remis à l’ordre du jour par Facebook dernièrement.
La musique prend très vite le relais et Napster chamboule le secteur avant que l’industrie musicale mais surtout Apple n’imaginent des plateformes d’achat simplifié et surtout de streaming qui vont remettre progressivement de la prospérité dans le champ de ruines qu’était devenu ce secteur. Là aussi, les nouvelles compétences recherchées sont issues du web, de son volet technique (gestion de projet, administration, exploitation, programmation, développement, vente en ligne) comme de son volet créatif (punchliner, graphisme, design).
L’évolution du marketing est une clé importante du succès de ces deux transformations digitales. Ce secteur d’activité a rapidement su s’adapter aux nouvelles contraintes et opportunités technologiques et économiques. Il a été une source importante de création de nouveaux métiers, rendus nécessaires par un besoin de notoriété grandissant dans un contexte de concurrence mondiale. Une renommée qui se construit notamment en interrogeant les consommateurs sur leurs besoins, en dialoguant régulièrement avec eux, pour leur proposer des outils adaptés. Parmi eux, community manager, responsable SEO (référencement), traffic manager, RTB manager autant de fonctions aujourd’hui qui deviennent de plus en plus « courantes » et enrichies depuis quelques années par celles de growth hacker, que l’on peut définir par un stratège qui utilise les outils digitaux et la data dans un objectif exclusif de croissance, ou encore de neuromarketeur, qui est, quant à lui, un professionnel qui utilise les enseignements des neurosciences pour comprendre et anticiper le comportement des consommateurs. À l’exemple de ces secteurs pionniers, l’ensemble des secteurs économiques est en train d’inventer les compétences qui feront son avenir. Tout autant de thématiques qui sont traitées dans le livre blanc du Groupe Adecco.
Quelles évolutions pour les métiers ?
La digitalisation concerne aujourd’hui l’ensemble des secteurs d’activité même si tous n’ont pas atteint le même degré de maturité. Les outils numériques sont en quelques années devenus pour les entreprises des leviers intéressants de croissance, de productivité, de sécurisation, mais aussi de bien-être pour les salariés.
Nous vous le rappelions en introduction, le chiffre d’affaires des entreprises numériquement matures est six fois plus élevé que celui des entreprises traditionnelles. Cette transformation numérique a des conséquences sur les niveaux de qualification recherchés par les entreprises. Cela concerne aussi bien les ouvriers et techniciens, qui doivent être en mesure de piloter et d’assurer la maintenance des robots, que les ingénieurs tenus d’enrichir par les outils numériques leur approche de la conception-réalisation et de la mise en œuvre des systèmes et produits.
Pour se doter des bonnes compétences, une entreprise peut intégrer de nouveaux collaborateurs, elle peut aussi former ses équipes actuelles. Pour cela, et face à la rapidité de développement des technologies et des outils numériques, les ressources humaines ont un intérêt fort à intégrer cette capacité d’évolution dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Le monde de l’emploi est appelé à profondément se transformer
On sait aujourd’hui que 60 % des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore, selon une étude du cabinet américain Wagepoint datant de l’année 2015. Il est aussi communément admis que la digitalisation et la robotisation modifient les besoins en compétences dans l’ensemble des secteurs d’activité. Cette transformation est en marche et inquiète dans un contexte marqué de plus en plus par le chômage. L’OCDE quant à elle est moins alarmiste. L’institution internationale estime à 9 % les emplois qui présentent un risque élevé d’automatisation (plus de 70 % des tâches) et à 25 % ceux considérablement modifiés par l’automatisation (plus de 50 % des tâches).
Le tableau qui est ainsi dépeint peu paraître sombre. Pourtant, la robotisation et la digitalisation peuvent être également synonymes de meilleures conditions de travail, notamment avec la fin des tâches difficiles et répétitives, d’une part, mais aussi de création d’emplois (9% selon le cabinet Forrester), à condition d’anticiper les conséquences des mutations en cours sur les métiers pour se préparer et transformer la contrainte en opportunité. Il s’agit alors de faire évoluer les compétences nécessaires aux entreprises pour assurer leur activité et croissance.
L’automatisation est aujourd’hui largement développée dans l’industrie, où elle a remplacé l’homme sur des tâches sans valeur ajoutée et répétitives. Elle poursuit son déploiement dans d’autres secteurs d’activité comme la logistique, la santé… Les récentes avancées de l’intelligence artificielle alimentent par ailleurs les craintes sur les menaces qu’elle pourrait faire peser sur l’emploi. Si les métiers les moins qualifiés étaient jusqu’ici les plus concernés, la situation évolue. Médecins, avocats, ou encore journalistes, seraient susceptibles d’être remplacés par des algorithmes. Ce phénomène avait été largement soulevé et traité par Pascal Picq, anthropologue au Collège de France, à l’occasion d’une grande conférence organisée par CIH BANK autour du thème «Les enjeux de la transformation digitale», le 30 septembre dernier à Casablanca.
La robotisation ouvre toutefois des perspectives de développement intéressantes et pourrait encourager la re-localisation de certaines activités en permettant de faire baisser les coûts de production. Pour un investissement de 15 millions de dollars réalisé sur 5 ans, Ford estime avoir réalisé 120 millions de dollars de gain de productivité grâce à des robots de soudure, qui ne coûtent que 8 dollars par heure, contre 25 pour les ouvriers.
Courant 2015, les chercheurs de l’Université d’Oxford, en partenariat avec le cabinet Deloitte, ont cherché à déterminer quels métiers étaient menacés par cette robotisation :
Le monde industriel vit une nouvelle révolution avec la convergence des outils et des automatismes des usines avec les softwares industriels qui offrent des possibilités de plus en plus grandes. L’enjeu est de pouvoir offrir des systèmes industriels de production de masse, fiables et rentables, qui soient de plus en plus flexibles dans leur déploiement et leurs évolutions. Le tout en permettant une production de plus en plus individualisée comme le demande le client final. Cette révolution appelle une transformation des modes de travail dans l’entreprise et requiert de nouvelles compétences.
Numérisation et robotisation : la formation comme enjeu majeur
Dans son étude «Nouvelles formes d’emploi, nouvelles compétences, nouveaux rapports au travail», le Lab’Ho, think tank du Groupe Adecco, se penche sur l’émergence de nouvelles formes d’emploi et sur les modifications des rapports au travail, liées notamment aux nouvelles aspirations des personnes, aux évolutions de l’organisation des entreprises, ainsi qu’à la numérisation de l’économie.
La transformation numérique bouleverse l’économie. Ce n’est plus un secret pour personne. Cette transformation exige de fortes capacités d’adaptation et d’agilité, de la part non seulement des entreprises, mais aussi de l’ensemble de leurs collaborateurs. Si la révolution de la robotique est déjà en cours, ses impacts sur l’emploi en termes de compétitivité et de productivité sont difficilement quantifiables et font l’objet de nombreux débats. Les visions s’opposent. D’abord celle qui affirme que cette robotisation devrait générer de nouveaux métiers, et même un cercle vertueux de création d’emplois.
Ensuite, celle qui envisage une nouvelle façon d’appréhender le travail dès lors que les robots remplaceront cadres et ouvriers. Mais quel que soit le scénario qui émergera, c’est la capacité du travailleur à s’adapter et à mobiliser ses compétences pour répondre à des situations inédites qui sera déterminante.
Les salariés impactés par l’automatisation pourront exercer de nouvelles fonctions à condition de bénéficier de formations adéquates. La rapidité d’évolution de ces technologies pourrait rendre les cursus de formation traditionnels inadaptés et requérir davantage de modularité, et de réactivité.
Les entreprises doivent se préparer à accompagner leurs salariés, à évaluer et améliorer leur capacité à apprendre, et à les faire monter en compétences pour qu’ils puissent assurer ces nouvelles fonctions. La formation et l’évaluation de leur capacité à s’adapter représenteront des enjeux majeurs pour la réussite de cette transition.